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Nokia, constat d’un échec stratégique pour le géant finlandais

22 octobre 2009

A force de faire la sourde oreille face aux demandes du marché de la téléphonie depuis plusieurs années, Nokia se retrouve maintenant dans une posture bien inconfortable. L’entreprise finlandaise vient en effet d’annoncer son premier déficit trimestriel depuis 10 ans avec une perte nette de 559 millions d’euros en lieu et place des 350 millions de bénéfice net attendu par les analystes. L’avenir s’annonce bien compliqué pour le géant nordique.

Un recentrage raté dans les réseaux

Issue de la fusion des activités réseaux de Nokia et Siemens en 2006, la joint-venture Nokia Siemens Networks (NSN) est la principale raison des mauvais résultats annoncés au troisième trimestre avec une dépréciation d’actif de 908 millions d’euros.

Pensant à l’époque devenir durablement le numéro 2 du secteur derrière Eriksson, NSN est une entreprise en perte de vitesse. Bloquée entre la baisse des investissements des opérateurs téléphoniques occidentaux dans les réseaux (surtout depuis la crise) et la montée en puissance des acteurs asiatiques tel que le chinois Huawei, NSN a perdu 6% de part de marché en an.

La baisse des prix des équipements profite aux chinois comme l’indique Scott Siegler, analyste senior de Dell’Oro. »Sur l’année écoulée, Huawei comme ZTE ont pratiquement doublé leur part de marché« .

Mais les réseaux ne sont pas le seul problème de Nokia. Le finlandais se voit aussi menacé sur son cœur de métier qui sont les téléphones.

Une stratégie à l’opposé du marché dans la téléphonie mobile

Leader mondial des téléphones mobiles depuis 1998, Nokia a perdu de sa superbe autant au niveau de la  technologie qu’au niveau du design.

Misant sur une stratégie de volumes, Nokia s’est trop longtemps focalisé sur son développement dans les pays émergents où il vend des téléphones d’entrée de gamme. Or le prix moyen des appareils de bas et moyenne gamme est en chute libre sous la pression conjuguée de la crise et des concurrents asiatiques. Le prix moyen des appareils Nokia s’est ainsi effondré de -16% en un an passant de 74 à 62 euros.

De ce fait, le finlandais a loupé des évolutions technologiques majeures, comme les écrans tactiles, et il se retrouve donc en mauvaise posture sur le seul segment en croissance (+27% en un an contre –6% pour l’ensemble du marché), les smartphones. Ses téléphones multimédias, gamme N avec son produit phare le N97, se font donc dépasser par l’Iphone d’Apple et sa gamme E, à destination des professionnels, fait pâle figure face aux Blackberry de RIM.

Conséquence immédiate, la part de marché de Nokia dans les smartphones a baissé de -2,4% au 2ème trimestre 2009 alors que celle de RIM et d’Apple augmente respectivement de +1,4% et +10,5%.

Sur l’ensemble du marché, la situation n’est pas meilleure pour la firme finlandaise puisque sa part de marché est en baisse de –2,7% alors que Samsung augmente de +4,1% et LG de +1,9%.

Nokia est donc dépassé de toute part et n’est pas bien armé pour combler son retard.

Un manque cruel de vision stratégique dans les contenus

Si Nokia peut rapidement rattraper la concurrence entre terme de design et sortir des appareils à écran tactile, le nerf de la guerre sur le segment des smartphones se sont le contenu et le système d’exploitation. Or là encore, le finlandais a plusieurs coups de retard.

Echec du système d’exploitation Symbian

Après avoir acquis la totalité de Symbian en 2008 pour 264 millions $, Nokia pensait pouvoir contrôler le marché des systèmes d’exploitation pour mobile. Si Symbian est encore leader en nombre d’installation sur les appareils, il se trouve maintenant dépassé techniquement par les softwares propriétaires de RIM et Apple.

Misant sur son aspect Open Source, près de 200 millions d’appareils mobiles devraient être équipés d’un logiciel libre avant 2014, Symbian va d’ailleurs se retrouver en concurrence frontale avec l’OS Open Source Android de Google.

On apprend d’ailleurs aujourd’hui que Nokia va probablement laisser Symbian de coté et équiper ses appareils de la plate-forme Open Source Maemo. « Symbian est bien trop vieux pour soutenir la comparaison avec les systèmes d’exploitation modernes », explique une source anonyme chez Nokia. « Nous devons réagir. »

Une plate-forme de contenu trop pauvre

Concernant les contenus, si Kai Oistamo, directeur de la division téléphones mobiles avait annoncé leur importance dans la stratégie de l’entreprise dès 2007  » En tant qu’entreprise, nous cherchons comment faciliter et participer à la création de contenus qui correspondent en fait aux besoins des clients dans les pays émergents « , force est de constater que là encore Nokia a été trop long dans la mise en œuvre. Misant sur la géolocalisation, rachat du spécialiste des cartes de GPS Navteq pour 8,1 milliards $, et les réseaux sociaux, le finlandais a crée sa propre plate-forme de contenu baptisée Ovi.

Ovi doit permettre de réunir tous les services annoncés par Nokia, dont la plate-forme de jeu Nokia N-Gage, le service en ligne Nokia Music Store, mais également Nokia Maps, le service de navigation GPS ou encore les possibilités de transfert de photos ou de vidéos vers des sites communautaires.

Lancée au mois de mai 2009, Ovi n’est pas encore au point techniquement et rencontra d’ailleurs de gros soucis dès les premiers jours d’ouverture.

Ovi qui est censé concurrencer l’AppStore d’Apple, l’AppWorld de RIM et l’Android Market de Google n’a pas encore connue le succès attendu. Si Nokia annonce plus de 59 millions d’utilisateurs les premiers mois sont difficiles puisque le service « Comes with Music » vient déjà d’essuyer un cuisant échec avec un lancement différé aux Etats-Unis. Le service n’a attiré que 107 000 utilisateurs dans 9 pays.

Tout comme Symbian, Ovi va d’ailleurs déjà bénéficier d’un lifting puisque Nokia vient de racheter la start-up Californienne Plum spécialisée dans les réseaux sociaux. Ironie du sort Plum va devoir migrer ses applications et sa plate-forme car celle-ci avait été développé pour…l’Iphone !

Il est donc clair que Nokia n’est pas en position d’innovateur sur le marché des smartphones qui seront les téléphones mobiles lambda d’ici quelques années. En ne faisant que suivre de loin et avec un coup de retard, la firme finlandaise perd peu à peu du terrain face à ces concurrents. Illustration de cet échec, la division smartphones du groupe ne vient d’être crée que depuis quelques semaines.

Une mauvaise gestion de son image de marque

Essuyant de grandes déconvenues dans ces 2 marchés principaux Nokia a aussi perdu du crédit au niveau de son image de marque.

Etant obligé de se réorganiser face au déclin de son activité, Nokia a subit une campagne de boycott très médiatique en Allemagne ou l’usine locale a été délocalisée en Roumanie.

De plus, NSN (la filiale réseaux) a été accusé d’avoir vendu un système de surveillance du réseau Internet au gouvernement iranien. Suite à cette affaire, le boycott s’est étendu à la planète entière.

L’univers Nokia qui était florissant il y a quelques années apparaît maintenant bien sombre. Mais je pense que l’on peut compter sur l’ingéniosité des finlandais pour redresser la barre.

En effet, Nokia qui n’était qu’un conglomérat de câbles et de caoutchouc dans les années 60 a déjà réussit a radicalement modifier son business model. Reste que la pression vient de toute part et que la réactivité du mastodonte n’est pas dès plus optimale.


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